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Comment Le Petit Journal est devenu un contre-pouvoir politique

Marine Le Pen sur le plateau du Grand Journal, le 9 mars 2012.

Marine Le Pen sur le plateau du Grand Journal, le 9 mars 2012. - Joël Saget - AFP

Clap de fin ce soir. En 12 ans, Le Petit Journal, d'abord simple pastille du Grand Journal, s'est imposé comme le caillou dans la chaussure des politiques. Révélant leurs failles, leurs tics et leurs mensonges.

Savant mélange de reportage, de décryptage et d'humour, Le Petit Journal s'est imposé dans le PAF et sur les réseaux sociaux par son ton irrévérencieux. Mais aussi par son contenu, ses méthodes de travail, cette façon de débusquer les politiques, de traquer leurs mensonges, de démonter leur discours trop rodés, bref de montrer leurs failles.

Alors que ce dernier représentant de "l'esprit Canal", irrévérencieux et impertinent, vit sa dernière saison avec Yann Barthès aux commandes, nous avons analysé ce qui en a fait une émission tant redoutée, mais aussi recherchée des politiques de tous bords. L'émission quotidienne de 40 minutes était devenue depuis deux ans la plus regardée des émissions en clair de la chaîne, avec 1,1 à 1,4 million de fans, notamment les jeunes.

Vitrine de la chaîne

Tout a commencé le 30 août 2004. Yann Barthès n'était alors que la voix off d'une chronique du Grand Journal époque Denisot. Son physique de jeune homme sympathique, sanglé dans son immuable veste-cravate n'apparaît à l'écran qu'en 2007 pour ne plus le quitter. Le Petit Journal connaît une audience croissante et devient une émission à part entière en 2011. En 2013-2014, il dépasse l'audience du Grand Journal et devient la vitrine en clair de la chaîne, très relayée sur les réseaux sociaux.

Cette recette portée par Yann Barthès a été imaginée par Laurent Bon, décrit comme son Pygmalion par un collaborateur cité dans une enquête de Télérama sur le producteur du Petit Journal.

L'émission s'est spécialisée dans le décryptage des discours politiques, révélant les éléments de langage de leaders comme Nicolas Sarkozy ou François Hollande, et le "fact checking". Personne avant Le Petit Journal n'avait mis en lumière, par le biais du montage, les "copier-coller" et discours usés jusqu'à la corde.

Perche indiscrète

C'est aussi Le Petit Journal qui, le premier a su tirer parti des images dont toutes les chaînes disposent - des images tournées par les "pools" de journalistes qui suivent les différentes manifestations ou déplacements de politiques - pour en extraire ce qui avait échappé aux autres. Petite phrase, geste furtif ou formule lâchée en aparté, élu jouant avec sa tablette en plein débat, tout ce que les autres ne montrent pas et que les politiques aimeraient cacher.

Une équipe de 40 personnes (décrypteurs, programmateurs, humoristes, researchers, documentalistes, production artistique, production technique) travaille chaque jour sur Le Petit Journal. Et sur le terrain, cinq reporters tendent leur perche indiscrète et leur micro rouge, devenu la bête noire de certains militants, notamment ceux du FN, une de ses cibles favorites, ou encore dans les rangs de La Manif pour tous.

Le Petit Journal, en plus d'instaurer un ton très léger pour parler de sujets sérieux - inspiré des "late shows" américains mais inédits en France - a instauré de nouvelles règles de communication entre les politiques et les journalistes. Les reporters de l'émission n'hésitant pas à poursuivre les élus dans les couloirs, à leur mettre le micro sous le nez en les assaillant de questions et à montrer leur gêne, parfois.

Cela n'a pas empêché les principaux candidats à l'élection présidentielle en 2012, François Hollande, Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen, François Bayrou, de défiler sur le plateau du Petit Journal, à l'exception de Jean-Luc Mélenchon. Et le 24 novembre 2015, Manuel Valls leur a accordé une interview de 50 minutes sur les attentats, la jeunesse et l'islam.

Front national et "No-go zones"

Le décryptage de la com' du Front national (2013), les "no-go zones" de Fox News (2015), l'interview de Jean-Jacques Goldman au moment de la polémique des Enfoirés, la première depuis 10 ans... sont autant de gros coups, qui ont beaucoup fait parler de l'émission.

Une recette payante, puisque le programme avait atteint 1,8 million de fidèles par jour en 2013-2014 puis 1,6 million en 2014-2015. Le Petit Journal a perdu près de 400.000 téléspectateurs cette année, pénalisé par son nouvel horaire - 20h10 au lieu de 20h25 -, la suppression des Guignols en clair, qui tiraient son audience, et la chute de l'audience du Grand Journal, diffusé juste avant. Reste à savoir si l'émission pourra désormais relever la tête sans Yann Barthès.

Magali Rangin avec AFP