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Bore-out ou l'ennui au travail: "C'est un phénomène de destruction psychologique progressif"

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Si le bore-out n'est pas reconnu comme maladie professionnelle, le syndrome est bien réel. Il découle d'un ennui profond sur son lieu de travail qui peut progressivement amener à la dépression.

On connaissait le burn-out, voici le bore-out. Selon une étude du ministère du Travail, 4 salariés sur 10 s'ennuient au bureau. Et certains n'ont parfois tout simplement rien à faire. Si l'idée d'être payé à ne rien faire pourrait plaire à certains, la situation peut mener à un trouble très sérieux, le syndrome du bore-out ou épuisement professionnel par l'ennui.

Car si la surcharge de travail peut provoquer le fameux burn-out dont on parle beaucoup ces dernières années, le vide professionnel peut provoquer les mêmes effets. "C'est un phénomène de destruction psychologique progressif, insidieux", explique le docteur François Baumann, et auteur d'un ouvrage sur le sujet. "Sur le plan psychiatrique ça entraîne une dépression".

"Tenir le coup face à un ennui permanent"

Le bore-out toucherait en priorité les métiers "sans activité": les vigiles, les hôtes d'accueil, les gardiens d'immeuble. "Ne rien faire signifie que tout se passe bien", précise Christian Bourion, "même si cette oisiveté a du sens, il faut du courage pour tenir le coup face à cet ennui permanent".

Le bore-out découle d'une double contrainte, note le chercheur Christian Bourion qui a aussi publié un livre sur le sujet: "le salarié possède un contrat de travail et l'employeur doit fournir du travail à son salarié. Mais si vous envoyez au cerveau des ordres contradictoires –dans ce cas-là, un contrat de travail mais pas de travail-, il devient fou! Et c'est ce qui se passe dans le cadre du bore-out".

Alors pourquoi ce silence autour de cette inactivité douloureuse? "Vous imaginez quelqu'un qui gagne 3.000 euros par mois à ne rien faire et qui dit qu'il en souffre? C'est impensable, l'entourage ne le comprendrait pas!", estime Christian Bourion. Dans une société où il est valorisant "d'être écrasé de travail" et où "le travail est la nourriture mentale indispensable", "il est très incorrect de n'avoir rien à faire, mais encore plus incorrect de n'avoir rien à faire ET d'avoir un excellent salaire", juge aussi le chercheur.

"Vous n'existez plus humainement"

Frédéric Desnard a pourtant décidé de parler. Victime d'un bore-out, il a décidé d'attaquer son ancienne entreprise aux Prud'hommes, qui examine l'affaire à partir de ce lundi. Licencié fin 2014, il a vécu une "placardisation suite à la perte d'un gros contrat pour l'entreprise et d'une restructuration à venir".

"Vous arrivez le matin, vous avez moins de travail. La première journée, vous êtes content, la première semaine, c'est rigolo, vous vous trouvez d'autres tâches à faire et au bout de quelques mois, les médecins du travail appellent ça la destruction de la psyché, c’est-à-dire que vous n'existez plus humainement", se souvient-il. Frédéric Desnard entre à ce moment-là dans un cycle infernal: "Vous rentrez chez vous et vous ne pensez qu'à une chose: prendre un somnifère, pleurer et dormir".

Alors comment ces salariés se sortent-ils de cette spirale de l'ennui? "Généralement il ne se passe rien", explique Christian Bourion. "Les salariés trouvent un autre poste. Ou n'en parlent pas. La plupart ont mis un mouchoir sur cette période".

C'est le cas de Cédric, géomètre: "J'ai passé 6 mois à ne rien faire", raconte-il sur RMC. "Quand vous allez bosser le matin, vous vous dites 'mais qu'est-ce que je vais faire?' Je lisais, j'étais sur l'ordinateur, mais c'est long, c'est difficile moralement". Cédric a finalement fini par signer une rupture conventionnelle: "ce n'était plus possible, je n'en pouvais plus".

"Le bore-out syndrom, quand l'ennui au travail rend fou", Christian Bourion, Albin Michel

https://twitter.com/paobenavente Paulina Benavente Journaliste RMC