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Orgasme : les expressions pour en parler décryptées

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Pour parler de notions crues et de moments intimes, le langage populaire a trouvé une parade poétique : créer et filer la métaphore. D'où viennent ces expressions, et pourquoi prend-on son pied ?

Le sexe sert à se reproduire, mais soyons honnêtes, nous le pratiquons beaucoup plus pour avoir du plaisir. Et ce serait dommage de s’en priver, étant donné le bien fou que procure cette union charnelle entre deux êtres. Pour preuve : une foison d’expressions ont été inventées pour décrire le plaisir éprouvé durant l’action. Par exemple, pour décrire la jouissance extrême, certains emploient le mot "orgasme" qui vient du latin organ et signifie être plein de suc, de sève et déborder d’ardeur. D’autres préfèrent dire "nirvana", "eu d’artifice", "apothéose" ou encore qu’ils ont vu les "anges", sont au "comble du bonheur", gagnés par le "grand frisson" ou même touchés par la "petite mort".

Dans son brillant essai Les mots du sexe, Philippe Brenot souligne : "On sait que l’orgasme de l’homme et celui de la femme sont certainement très différents". Pourtant, les mots utilisés pour décrire la jouissance sont eux, presque toujours unisexes. Hommes et femmes parlent tous deux des mêmes sensations : joie, bonheur et ivresse, sans faire de distinction.

Pourquoi monter au septième ciel ?

Goûter au paradis, s’envoyer en l’air, s’accrocher au lustre, en matière d’amour "le ravissement de l’esprit s’est toujours fait vers le haut", comme l’explique Philippe Brenot. La raison ? Il y a, dans ces analogies entre extase et orgasme, une notion relevant du mysticisme. D’ailleurs, la plupart des traditions religieuses ne dissocient pas les deux.

Le récit de Sainte Thérèse, lorsqu’elle explique se voir près d’un bel ange, jeune et chatoyant, ne manque pas de laisser entendre une dimension symbolique et sexuelle : "J’ai vu dans sa main une longue lance d’or, à la pointe de laquelle on aurait cru qu’il y avait un petit feu. Il m’a semblé qu’on la faisait entrer de temps en temps dans mon cœur et qu’elle me perçait jusqu’au fond des entrailles; quand il l’a retirée, il m’a semblé qu’elle les retirait aussi et me laissait toute en feu avec un grand amour de Dieu. La douleur était si grande qu’elle me faisait gémir; et pourtant la douceur de cette douleur excessive était telle, qu’il m’était impossible de vouloir en être débarrassée. L’âme n’est satisfaite en un tel moment que par Dieu et lui seul. La douleur n’est pas physique, mais spirituelle, même si le corps y a sa part. C’est une si douce caresse d’amour qui se fait alors entre l’âme et Dieu, que je prie Dieu dans Sa bonté de la faire éprouver à celui qui peut croire que je mens." L’orgasme selon Sainte Thérèse.

Prendre son pied : la raison

Cette phrase d’argot, pour le moins étonnante, semble rapprocher plaisir et contorsionnisme. Mais quelle est son origine ? Si on prend l’image au mot, qui penserait vraiment à attraper son "panard" au moment de l’orgasme ? Personne, et ce n’est pas surprenant puisque "le pied" contenu dans l’expression ne désigne pas l’extrémité de la jambe, même si cette partie est parfois fétichisée dans les fantasmes. En réalité, il s’agit de l’une des plus anciennes et traditionnelles unités de mesure (comme le doigt ou la coudée) qui servait, entre autres, aux pirates pour se partager leurs butins. Et plus le pied était long, plus il était bon.

Peut-on vraiment mourir de plaisir ?

Pour parler de leurs ravissements érotiques, les femmes disent parfois : "C’était tellement bon, j’ai cru mourir". Comment peut-on à la fois convoquer Eros (principe de vie) et Thanatos (principe de mort) dans la même phrase ? Est-il possible de perdre réellement la vie pendant ce moment ultime où l’on perd la tête ? Quand on se penche sur l’Histoire, il faut admettre que oui. Carol II, roi de Roumanie, pratiquait des "meurtres coïtaux" : par excès de virilité, il tua plusieurs de ses partenaires d’une puissante déchirure du périnée au moment de la jouissance. De la même manière, Attila et le président Felix Faure sont morts brutalement en pleine réjouissance. Faire l’amour peut donc bien être fatal. Et finalement, le gémissement de l’orgasme l’évoque, en laissant exprimer tour à tour la joie, le plaisir mais aussi l’angoisse de l’abandon musculaire et de l’isolement sensoriel.

Pour en savoir plus : Les mots du sexe, du Dr Philippe Brenot (éditions L’Esprit du Temps)

Philippe Brenot, psychiatre et sexologue, est également l’auteur de Nouvel éloge de la masturbation (éditions L’Esprit du Temps).

Marie France pour BFMTV