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Sites de rencontres pour ados : mieux comprendre le phénomène

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Ils ont 13-25 ans, et possèdent déjà leur propre Meetic. Appelés Rencontre-ado.com ou Nodaron.com, ces sites de rencontre pour ados font fureur. Décryptage d'un phénomène qu’on n’avait pas forcément vu venir.

Le marché de l’amour 2.0 a littéralement explosé depuis la naissance de Meetic fin 2001. La preuve : un adulte sur quatre s’est déjà rendu sur un site de rencontre. Du côté des ados, un jeune sur sept âgé de 15 à 17 ans(2) a déjà tenté l’expérience.

Un fait surprenant ? Justine Atlan, directrice de l’association e-Enfance(3), note que : "Les ados ont toujours eu leurs espaces de discussion : Caramail ou MSN, à l’époque… Mais ces trois dernières années, on a vu plusieurs sites s’autoproclamer “sites de rencontres”. Et ça, c’est nouveau". Des plateformes comme kiss-ados.com, teexto.com ou nodaron.com ont senti l’affaire en or, et se sont lancés dans la niche des 13-25, voire des 11-25 ans.

De grands romantiques virtuels

Ces sites gratuits, fortement inspirés de Meetic (chat, messagerie privée et parfois webcam), attirent autant les filles que les garçons, ce qui représente un phénomène plutôt inhabituel. Aucun profil n’est insensible à cette avalanche amoureuse dématérialisée. Petits malins ou grands timides, ados introvertis ou épanouis : tous y trouvent leur compte.

La plateforme rencontre-ados.net, leader autoproclamé, possède à lui-seul plus de 230 000 inscrits. Un chiffre légèrement exagéré ? Ce n’est pas impossible, mis à part que le site connaît régulièrement des dysfonctionnements pour cause "d’un trop grand nombre de connexions". Elise, 17 ans, confie : "Je connais pas mal de couples de mon âge qui se sont formés comme ça". Elle a elle-même passé deux ans avec quelqu’un rencontré sur un site de ce type.

Ce phénomène est-il encore le résultat d’un mimétisme ado/adulte ? Sans doute, mais pas uniquement. "Tout le monde n’est pas le Justin Bieber de son lycée, soutient Laurent Perron, le fondateur de Teexto. Or sur ces sites, on peut repartir à zéro, s’affranchir de sa réputation antérieure." Les rencontres restent virtuelles neuf fois sur dix, ce qui n’empêche pas nos ados d’être de vrais coeurs d’artichauts. "On voit souvent défiler des “je t’aime” au bout de 10-15 messages", s’amuse Laurent Perron.

Tester sa popularité

Que ce soit pour trouver l’âme sœur, un flirt ou simplement une amitié, nos ados multiplient les selfies pour tester leur popularité. Contrairement aux idées reçues, ils ne se présentent pas forcément en décolleté plongeant ou torse nu pour révéler des tablettes plus ou moins visibles, mais au contraire avec une coiffure millimétrée et un maquillage impeccable. Pas de quoi s’affoler donc, même si l’on sait que 3 % des 15-17 ans ont déjà eu un rapport sexuel occasionné par une rencontre sur internet(2).

"Il faut arrêter de croire que c’est le royaume de la débauche, proteste Marion, 16 ans. On se souhaite la bienvenue, on se vanne, on commente les photos postées, on parle musique, jeux vidéos, séries… Il n’y a pas de quoi casser trois pattes à un canard ! ".

Les échanges de messages, écrits en langage SMS et truffés de fautes d’orthographes voire d’insultes, auraient de quoi donner un sérieux coup de blues à Bernard Pivot. Mais il faut bien admettre, après y avoir passé un certain temps, que la majorité des dialogues restent "bon enfant". "Bien sûr, on parle aussi de sexe, concède La Fée Bleue, 16 ans, mais comme on le fait IRL (ndlr : “in real life”, dans la vraie vie)."

Inutile de paniquer

La plupart de ces sites rappellent de manière très claire les règles de prudence ("demande de plan cam ou de plan cul = bannissement", exemples de photos interdites), essaient au maximum d’éliminer les photos suggestives ou dénudées, bloquent les chats webcam ou les échanges privés de photos. Cependant, il faut avouer que "d’autres sont nettement plus laxistes", regrette Justine Atlan. D’autant plus qu’ils sont remplis de publicités pour des sites de rencontres classiques, voire même "cougars".

Au niveau modération, les échanges privés échappent à toute surveillance, à moins que quelqu’un ne les signalent. L’équipe de modérateur, elle, est limitée à une unique personne, aidée dans le meilleur des cas par quelques personnes inscrites. "Les photos sont contrôlées mais on ne peut jamais être sûr que la personne est bien celle qu’elle prétend être", souligne Laurent Perron. Mais selon Justine Atlan, ce n’est pas non plus utile de céder à la panique : "Tant que l’anonymat est préservé, l’ado n’a qu’à couper pour disparaître. Le vrai danger, c’est qu’il soit détourné sur d’autres sites, comme Skype."

1. Enquête IFOP/Femme Actuelle/Love Confident « Les Français et les sites de rencontres », février 2012. 2. Enquête IFOP/Cam4 « Génération You Porn, mythe ou réalité », octobre 2013. 3. Contact e-Enfance : 0800 200 000 et e-enfance.org

Chloé Belleret pour BFMTV