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Eglantine Eméyé, mère d'un enfant autiste polyhandicapé: "C'est l'Himalaya à gravir tous les jours"

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Eglantine Eméyé était face aux GG ce mercredi pour son livre "Le voleur de brosse à dents". L'ancienne Miss Météo de Canal+ y relate son combat quotidien pour élevé son fils Samy autiste lourdement polyhandicapé. Un parcours du combattant qu'elle avait déjà dévoilé dans un documentaire diffusé l'an dernier.

Les GG: Pourquoi avoir écrit ce livre après le documentaire?

Eglantine Eméyé: Parce que je recevais beaucoup de courriers, de mails qui me remerciaient d'avoir fait ce documentaire. Ces personnes me disaient qu'elles n'avaient pas la possibilité d'en parler. On me demandait des nouvelles, des précisions sur ce qui avait été montré dans le documentaire, j'ai senti qu'il y avait une demande et en même temps je me disais que j'avais ouvert une fenêtre et que j'allais ouvrir une porte bien plus grande sur le handicap.

L'histoire commence bien, vous êtes enceinte et puis à la naissance de votre second fils, tout bascule...

J'imaginais que ça allait être comme avec mon premier fils: qu'il allait être parfait et que tout allait bien se passer. Et ça ne se passe pas comme ça, cet enfant ne réagit à rien. On découvre à 7 mois qu'il est épileptique, qu'il a fait un AVC quand il était tout petit.

Encore à ce moment-là, je ne comprends pas très bien les implications que cela va avoir. Comme tout parent, je pense que j'ai eu une part d'aveuglement, pendant longtemps je me suis dit qu'on allait le soigner, que des médicaments et des situations allaient suffire et la réalité vous rattrape petit à petit et vous comprenez que votre enfant va être différent irrémédiablement…

Vous racontez votre parcours de médecin en médecin, et aucun n'arrive à poser un diagnostic. C'est l'acteur Francis Perrin qui, le premier, vous parle d'autisme car son fils est aussi autiste.

Il y a deux choses: il y a encore 5 ans, le médecin lambda ne savait pas ce qu'était l'autisme. Et les médecins ne sont pas formés du tout à l'autisme. Un médecin m'a dit une fois 'en 12 ans de médecine, j'ai dû avoir 3 phrases où l'on m'a parlé de l'autisme'. Donc ils ne pouvaient pas le déceler, aujourd'hui, je crois qu'ils travaillent davantage là-dessus.

"Pour un médecin, une maman, par principe, est inquiète"

Et puis pour un médecin, une maman, par principe, est inquiète, donc on ne la croit pas et on lui dit de patienter. Tant que l'enfant n'a pas 40 de fièvre, on ne vous croit pas… Votre vie est ensuite chamboulée… On ne mesure pas à quel point le quotidien devient difficile. C'est l'Himalaya à gravir tous les jours.

A quoi ressemble le quotidien avec votre fils?

Un enfant handicapé, en dehors de tous les troubles qui vous perturbent émotionnellement qui sont très fatigants, c'est une logistique hallucinante. Chaque journée, il faut mettre en place une foule de choses qui coûtent énormément d'argent.

Vous avez des journées difficiles, mais les nuits le sont encore plus. J'ai découvert que beaucoup d'enfants handicapés ont des nuits très perturbées. Mon fils a un des troubles autistiques les plus désagréables qui soit: il s'automutile, il se frappe. Il a passé des nuits à se réveiller toutes les deux heures en hurlant, sans que je sache s'il hurlait parce qu'il avait fait un cauchemar, parce qu'il avait mal… Il se frappait violemment toutes les nuits et jamais personne n'a pu m'aider là-dessus.

Vous mettez en place des stratagèmes...

J'ai essayé beaucoup de choses pour qu'il ne se blesse pas trop: un casque de boxe, des pansements, des gants d'aïkido…

Selon vous, l'autisme n'est pas assez considéré?

On commence à s'y mettre, mais on a beaucoup de retard et on a l'impression que l'on reprend le cheminement à zéro que d'autres pays ont déjà fait. Les médecins ne sont pas formés, et l'évolution est trop lente pour les parents. Il est vrai que c'est un trouble très compliqué, deux autistes peuvent avoir des symptômes très différents. L'autisme a plusieurs formes et plusieurs causes différentes.

Aujourd'hui, Samy a 10 ans. Comment voyez-vous l'avenir?

J'évite de me projeter trop, je sais que ça va être difficile et qu'il va falloir encore se battre. Depuis 2 ans, Samy vit dans un hôpital à Hyères, donc très loin de nous. Il n'y avait pas de place plus proche. Et je me rends compte que plus les enfants grandissent et plus c'est difficile. Je sais que je vais me retrouver avec un ado de 15 ans, comment je fais pour lui changer seule sa couche?

Et votre autre fils, Marco, comment va-t-il?

Quand Samy est parti vivre loin, il a d'abord culpabilisé, il a réalisé qu'il avait le droit à sa maman et que son petit frère allait se retrouver seul sans sa maman. Ça a été dur pendant un an, j'ai l'impression qu'il a ouvert les vannes. Aujourd'hui, il va beaucoup mieux.