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Florian, 31 ans, a décidé de mourir: "Je sais que je ne passerai pas 2016"

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Florian est atteint d'une maladie rare, le spina bifida qui touche la moelle épinière. Une maladie qui lui provoque des troubles nerveux de plus en plus douloureux. A tel point que le jeune homme de 31 ans a décidé de se faire euthanasier en Suisse, quand il le décidera. Il témoigne pour BFMTV.

"Je suis né avec une maladie rare qu'on appelle spina bifida. C'est une maladie neurologique évolutive qui a pour effet de rétrécir la moelle épinière, donc les messages nerveux ne passent plus à certains endroits: petit à petit les organes ne fonctionnent plus. J'ai le tube digestif et la vessie qui ne fonctionnent plus. Au-delà des régressions, ce sont vraiment les douleurs qui sont difficiles: on a des sensations de brûlures, on ne sent plus le chaud et le froid, on se prend des coups d'électricité partout dans le corps. C'est de la torture.

Il y a des médicaments contre les douleurs neurologiques mais ils ont des effets secondaires forts- je suis un zombie quand j'en prends-, et coûtent cher.

J'ai eu une scolarité entrecoupée par les opérations du dos, parce que la maladie se manifeste par une scoliose importante, j'ai été opéré 8 fois. Je n'ai pas pu pratiquer des activités physiques avec les copains et pendant les sorties, il fallait que je me trouve une chaise parce que je ne pouvais pas rester debout très longtemps. Je n'ai pas pu m'éclater comme je l'aurais voulu. Ça m'a freiné dans mon enfance.

"Vous vous dites: mais ça s'arrête quand?"

Mon quotidien aujourd'hui: j'égrène les jours les uns après les autres, sans saveur. Je suis régulièrement opéré et hospitalisé et j'en ai assez. Le corps humain n'est pas fait pour subir tant de souffrances. Il faudrait qu'il y ait des moments d'apaisement, là c'est douloureux tout le temps. J'ai des décharges électriques qui me parcourent le corps toute la nuit. C'est à se taper la tête contre un mur, vous n'avez plus de force pour rester debout, plus de force dans les bras, dans les mains, vous n'avez plus la force de rien, vous êtes un bout de viande, un bout de bois. En plus vous ne pouvez plus marcher, plus digérer, plus pisser et vous vous dites mais ça s'arrête quand?

La vie devient une survie. La vie doit avoir un sens, vous devez trouver des plaisirs, quand vous n'en avez plus, ça n'a plus de sens, être sur Terre et souffrir pour moi, c'est égrener les jours en espérant que je meure demain. Je me couche tous les soirs en espérant ne pas me réveiller le lendemain. Je n'en veux plus.

"Je suis usé"

Un jour, je me suis dit que ce n'était plus possible, que j'avais passé un cap dans la douleur dans les agressions que l'on pouvait faire à mon corps. Un jour, on dit stop, le corps humain n'est pas fait pour ça. Je suis usé, j'ai le discours d'une personne âgée. A 30 ans, on a envie de croquer la vie à pleines dents, d'y aller, de s'amuser. Pendant un temps, j'ai eu ça. Avant j'avais un travail, j'étais éducateur spécialisé, je m'occupais d'enfants autistes, il ne reste plus grand-chose. Ma vie est finie.

J'ai pris contact avec une association en Suisse, je leur ai expliqué ma situation, je leur ai demandé de m'aider. Ils m'ont d'abord répondu négativement en me disant que j'étais trop jeune, qu'ils n'avaient pas l'habitude. Je les ai recontactés quelque temps après, et ils m'ont demandé d'envoyer des certificats médicaux, et de fil en aiguille, de rendez-vous téléphonique en rendez-vous téléphonique ils ont accepté ma requête.

"Je n'ai pas de date fixée, mais j'ai une échéance"

Ma famille s'est effondrée en apprenant ma démarche. Je pense que c'est le pire mal que l'on puisse faire à une mère. Elle a eu une réponse merveilleuse: 'je ne peux pas te dire d'y aller mais si tu décides d'y aller, je te soutiendrai à 100% et je serai là'. J'ai trouvé ça d'un courage exemplaire.

On a le temps d'envisager le moment de sa mort. C'est moi qui reviendrai vers eux. Ça permet de mettre de l'ordre dans sa vie, de revoir les personnes dans sa vie. Je n'ai pas de date fixée, mais j'ai une échéance: je sais que je ne passerai pas 2016, je ne me donne pas beaucoup plus. Par respect pour mon corps, et pour ne pas faire languir trop longtemps ma famille.

Je n'aime pas le mot euthanasie, je préfère le mot autodélivrance. Quand vous êtes handicapé vous avez envie d'être délivré. J'aurais eu plein de fois l'occasion de me foutre en l'air avec les médicaments que j'ai. Mais je ne veux pas porter atteinte à mon corps, je veux le faire décemment, librement. Le fait de ne pas le légaliser l'euthanasie oblige certains à se suicider et à le faire de manière indigne".

https://twitter.com/paobenavente Paulina Benavente Journaliste RMC