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Inceste: "Il me disait que si j'en parlais, j'allais détruire la famille"

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- - Flickr/CC/menard_mickael

Léa, 37 ans, a été abusée par son grand-père avant l'adolescence. Selon des chiffres révélés ce matin sur RMC par l'Association internationale des victimes de l'inceste (Aivi), 4 millions de Français ont déjà été victime d'inceste. Léa a choisi de témoigner sur RMC pour que l'inceste ne soit plus tabou.

Les attouchements ont commencé lorsqu'elle avait 10 ans. "J'ai commencé à être gardée par mon grand-père maternel chaque mercredi. Une proximité s'est installée entre lui et moi, qui a dérapé par la suite avec des attouchements sexuels", raconte Léa, qui a aujourd'hui 37 ans.

Des agressions sexuelles régulières qu'elle ne comprend pas tout de suite: "Cela a été fait de manière très insidieuse donc je n'ai pas vu venir les choses tout de suite. Quand il a vu que je commençais à comprendre, il m'a bien dit qu'il ne fallait pas en parler, que si j'en parlais, j'allais détruire la famille et que c'est moi qui allais faire du mal aux gens. Il m'a fait culpabiliser en me disant que moi aussi je le voulais bien".

"Pourquoi on me croirait moi plutôt que mon grand-père?"

"Il ne faut pas en parler parce qu'on n'a pas envie de voir sa grand-mère pleurer, on n'a pas envie de voir sa maman malheureuse. Et pourquoi on me croirait moi, plutôt que mon grand-père? C'est lui l'adulte", se remémore-elle.

Les agressions durent deux ans, la famille de Léa déménage et la menace s'estompe: "Il n'y avait plus de proximité possible, après c'était plutôt des attouchements sur les fesses, sur la poitrine très rapides".

Pendant 15 ans, Léa se tait. Et va mal. "Aux yeux de ma famille, j'étais quelqu'un d'instable émotionnellement, dans les relations humaines avec les garçons et les hommes après. Je suis passée par des dépressions. J'étais dans l'autodestruction et un jour je me suis donné le choix: soit j'arrête cette souffrance en moi et ça passait par le suicide, soit je me donnais une deuxième chance. A l'âge de 25 ans, j'ai demandé à être hospitalisée en clinique de repos", raconte-elle.

Là c'est le déclic: "Dès lors que j'ai été prise en charge par des médecins, des psychiatres, j'ai eu la force de le dire à ma famille. J'ai choisi de le dire à ma maman et à ma tante et ça a été extrêmement violent pour elles parce que c'est leur papa. Elles m'ont cru. Ça a été un des plus beaux jours de ma vie. Il y a ensuite eu une confrontation en famille avec mon grand-père et les médecins et il a reconnu les faits".

"J'ai mis 15 ans à en parler à ma famille"

Léa n'a pas porté plainte: "Je n'ai pas voulu le poursuivre en justice, je ne me suis pas sentie prête et forte. Je ne dis pas qu'il ne faut pas le faire, mais dans mon cas le plus important était que ma famille et mes proches me croient et me reconnaissent innocente de ce qui s'était passé. J'ai mis 15 ans à en parler à ma famille, 15 ans à me détruire, et à ce moment-là je ne pouvais pas en parler à des inconnus".

Aujourd'hui, le grand-père de Léa est mort: "Je peux retourner dans la maison de famille, je peux y amener mes enfants. La première fois, ça a été un moment compliqué. Je ne peux toujours pas retourner à la cave et je ne supporte pas que mes enfants y aillent. Il y a d'autres lieux de la maison où la vie de famille avec ma grand-mère, ma mère, mes enfants a pris le dessus. On s'y retrouve et on y est bien". Elle reconnaît surprotéger ses enfants: "J'ai du mal à faire confiance aux gens qui les entourent. J'ai peur qu'un jour ils m'annoncent la même chose".

P.B. avec A.B.