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"Jamais soumise": Zohra K., prisonnière de l'obscurantisme pendant 20 ans, raconte son calvaire

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Dans son livre "Jamais Soumise", Zohra K. raconte ses 20 ans de calvaire. Mariée de force en Algérie, prisonnière d'une famille obscurantiste, elle a réussi à s'en échapper... et à pardonner.

Après 20 ans d'enfer, Zohra K. est encore debout. Son calvaire, elle le raconte dans son livre "Jamais soumise". Née en France en 1962 de parents algériens, elle grandit à la Courneuve dans la Cité des 4000, "la cité des déracinés", écrit-elle dans le livre.

Déjà le poids de la tradition pèse sur la famille. Le père boit, frappe, un de ses cousins rôde dans l'appartement pour violer régulièrement la fille aînée de la fratrie. Face aux interdictions qui lui semblent absurdes, la jeune Zohra se rebelle. Après quelques fugues, l'étau se resserre en avril 78. Deux hommes en costume débarquent au domicile familial. Se présentant comme des policiers travaillant pour la juge pour enfants, la jeune fille part avec eux, accompagnée de sa mère.

Ce n'est pas vers le tribunal que la voiture se dirige, mais vers l'aéroport, direction l'Algérie. On lui promet un séjour de deux semaines. Elle y restera 20 ans.

Un mari fou, violent, vicieux

Enfermée, elle apprend durement que la vie des femmes ne vaut rien et que l'honneur des hommes prime avant tout. Elle décrit un monde "où suinte le sexe mal assumé, mal compris, mal éprouvé, mal appris", fait de "regards vicieux, de jeux étranges". Après 4 ans d'enfermement, elle est mariée pour cents dinars. Zohra devient la quatrième épouse de son "mari", les trois précédentes ayant été répudiées. L'homme est fou, violent, vicieux. Elle est "mal nourrie, mal blanchie, et baisée le plus vite possible pour vite m'engrosser, car dans cette maison, les enfants sont des otages. Ils sont la pierre d'angle de l'entreprise d'asservissement des femmes".

Victime de violences, viols et humiliations, Zohra est seule face à son bourreau et de sa belle-famille. Les voisins n'interviennent pas, son père refuse de la croire, son honneur est en jeu. Zohra mettra au monde trois filles, âgées aujourd'hui de 30, 29 et 24 ans.

L'écriture la fait tenir: "J'écrivais en cachette, dans les toilettes, dans la salle de bain. Je cachais ça partout, je les changeais de place".

Aller simple vers la "douce France"

Les années passent, Zohra n'est "toujours pas résignée mais apprend à [se] dédoubler". Elle doit vivre pour que ses filles vivent. En 98, elle entre dans "une année de résistance". Zohra ne retournera plus au domicile conjugal. Grâce à l'aide de personnes dont elle tait le nom pour les protéger, elle parvient à obtenir un passeport et un visa, puis un billet d'avion, un aller simple vers "la douce France", le 12 juin 1999.

Après 20 ans passés loin de tout, le retour à la liberté est difficile. Elle doit tout réapprendre et affronter la bureaucratie française pour obtenir des visas pour ses trois filles, restées en Algérie. Elles aussi subiront la violence de leur père et de leur famille. Zohra retourne en Algérie pour organiser leur fuite. Là encore, elle est aidée par des "êtres lumineux" qui l'épaulent dans son entreprise, réussissent à intercepter les filles à la sortie de l'école pour les embarquer dans un avion direction Paris. En janvier 2003, Zohra et ses trois filles sont réunies en France.

Aujourd'hui, Zohra est artiste-peintre et vit entre Paris et la Corse.

"Jamais soumise - 20 ans dans l'enfer de l'obscurantisme", Editions Ring, 17€.

https://twitter.com/paobenavente Paulina Benavente Journaliste RMC