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Le "ghosting" ou comment rompre sans aucune explication

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- - CC/Unsplash

C'est une technique de rupture cruelle: quitter quelqu'un sans prévenir et sans aucune explication. Le bannir de ses contacts Facebook, filtrer ses appels… L'autre devient un fantôme –d'où le terme de "ghosting"-. Et les conséquences de ce type de rupture peuvent être catastrophiques.

Pour rompre, certains choisissent l'option du "ce n'est pas toi, c'est moi…", d'autres optent plutôt pour les reproches interminables. Enfin, certains préfèrent disparaître purement et simplement du jour au lendemain. Suppression des réseaux sociaux, filtrage des appels, l'autre s'est transformé en fantôme, d'où l'expression "ghosting".

Ce phénomène a même été l'objet d'une étude en 2014: selon un sondage mené sur 1000 personnes par YouGov et le Huffington Post, 11 % des gens ont déjà utilisé cette technique pour mettre fin à une relation devenue indésirable. Et même les people s'y mettent. Charlize Theron avait, selon certains magazines, cessé de répondre aux appels et aux sms de Sean Penn pour lui signifier la rupture –allégations que l'actrice a toutefois démenti depuis-.

Pas de "dernière explication"

Pour Vincent Cespedes, philosophe et auteur de "L'homme expliqué aux femmes", ce type de rupture peut avoir des effets psychologiques désastreux: "La fameuse explication d'adulte à adulte n'a pas lieu. Et c'est un peu la perversité de cet acte de rupture, c'est qu'on entretient la quête qu'aura l'autre de nous-même. L'autre va vouloir une dernière explication parce que l'autre va plonger dans un univers de scénarii possibles… On ne fait que penser à l'autre encore plus. C'est une façon de rompre sans que l'autre puisse se libérer".

Pour Sarah, la disparition de son ex l'a totalement obsédée: "nous étions ensemble depuis 3 mois, et il a brutalement cessé de donner de ses nouvelles. J'ai commencé par imaginer le pire, je l'ai cherché sur Internet et fini par contacter ses amis. Et puis j'ai compris". Au final, Sarah aura passé beaucoup de temps à chercher sa trace… "alors que s'il m'avait clairement annoncé la rupture, je serais passée à autre chose bien plus rapidement".

"Un usage consumériste de l'amour"

Selon Vincent Cespedes, ce type de rupture est inhérent à la manière dont nous concevons les rencontres avec les nouvelles technologies et ses applications de rencontre ultra rapides: "On a un usage consumériste de l'amour. Le ghosting c'est ça, on vit tout ce qu'on a à vivre avec une personne et ensuite c'est poubelle!" Et de déplorer: "Ça montre que les relations amoureuses sont de plus en plus en dehors du cercle de la responsabilité par rapport à l'autre. Alors qu'on exige cette responsabilité dans l'amitié: vous voulez quelqu'un de fidèle, de loyal. En amour, on est loin de l'amitié".

Une forme de lâcheté dont n'ont pas toujours conscience les "ghosteurs": "Souvent ceux qui ghostent argumentent en disant qu'ils souffrent trop et qu'ils n'ont pas la force d'assumer une explication. Ils se positionnent comme victime alors qu'ils font énormément de mal", observe Vincent Cespedes.

Il existe toutefois un ghosting nécessaire: "quand on est sous l'emprise d'un pervers narcissique, le ghosting peut être thérapeutique parce que s'il y a la fameuse discussion, le pervers narcissique peut encore vous embobiner. Face à une personnalité toxique, mieux vaut disparaître!"