BFM Business
Conso

Le pouvoir guérisseur du baiser

-

- - Shutterstock

Embrasser quelqu’un serait bien plus qu’un signe d’amour. En plus de la sensation procurée, il est scientifiquement prouvé que le baiser permet, entre autres, de se protéger contre l’anxiété. Explications.

Il existe des baisers très beaux, mais aussi très faux, comme les baisers de cinéma. Mais il y aussi les nôtres, authentiques, qu’on échange tous les jours avec l’être aimé. Au moment des retrouvailles, au saut du lit ou sur le pas de la porte, on les fait par habitude, ou de manière passionnée. Peut-être moins fiévreux que ceux sur grand écran, nos baisers sont néanmoins beaucoup plus profitables.

A commencer par le moral, évidemment : une sensation de bien-être émotionnel s’émane toujours de la rencontre de deux bouches désireuses de n’en faire plus qu’une. Mais le baiser a aussi un impact du côté de la santé. Récemment une spécialité scientifique a vu le jour pour étudier les vertus médicinales de ce "bouche-à-bouche" amoureux : la "philamatologie".

Les premiers résultats des chercheurs indiquent qu’embrasser quelqu’un serait un puissant remède contre l’anxiété. Plus fort encore, il serait aussi un antidote naturel très efficace contre certaines affections. Explication de notre intérêt pour le french kiss, malgré les millions de bactéries échangées.

Un amplificateur sensoriel

L’érotisation du baiser remonte seulement au 18e siècle en Occident, mais les théories concernant son origine symbolique se bousculent. Le baiser serait, pour certains, une variante de la tradition de prémastication, un héritage de la période où les mères mâchaient les aliments avant de les donner à leurs nourrissons. D’autres soutiennent qu’il serait en fait un substitut de l’acte sexuel. La psychologue Maryse Vaillant développe cette idée selon laquelle il serait "Une certaine représentation de la pénétration… offrant aux femmes la possibilité, par le biais de leur langue, de se montrer aussi pénétrantes que les hommes".

Une dernière théorie penche vers le rappel qu’il procure de la succion du biberon ou du sein maternel. Le Dr Sylvain Mimoun, andrologue, gynécologue et psychosomaticien explique que "De la même manière que les enfants se nourrissent en aspirant par la bouche, les individus qui s’embrassent cherchent, d’une certaine façon, à ingérer le monde de l’autre. À le dévorer. Et bien souvent, notre façon d’embrasser est une transposition inconsciente du rapport que nous entretenons au monde oral, et donc à notre communication ou à notre alimentation…". Tous les spécialistes sont d’accord, par contre, pour affirmer que le baiser stimule les sens et nous permet de mieux appréhender notre corps.

Nos lèvres sont en effet de véritables amplificateurs sensoriels, emplies de récepteurs de type cutané (sensibles au mouvement, au toucher) et muqueux (permettant d’apprécier la chaleur, de goûter). Elles nous permettent de mieux apprécier la manière de toucher l’autre, le bruit de sa respiration, la texture de sa peau, son odeur et son regard avant et après. La langue peut aussi entrer en scène, détectant et identifiant les différentes matières qui l’effleurent. On comprend plus facilement pourquoi certaines personnes trouvent que le baiser est plus intime qu’un rapport sexuel génital.

Les prostituées confirment d’ailleurs souvent cette spécificité : "Je loue mon corps, mais jamais l’intime en moi. C’est pour cette raison que je n’embrasse pas". Maryse Vaillant ajoute : "Ouvrir sa bouche à l’autre, c’est l’autoriser à venir à l’intérieur. Vers ce que nous avons de plus viscéral." C’est pourquoi cet acte peut donner envie, faire rêver, ou rebuter.

Un moyen de se transmettre des informations

Un baiser, quoi qu’on en dise, est rarement "juste" un baiser. Son intentionnalité pourrait même se révéler être très pragmatique dans certaines circonstances. Il représenterait aussi un moyen de tester la compatibilité et la qualité de son partenaire. Le premier baiser serait alors un témoin pour savoir s’il faut ou non donner une suite à la relation, d’après Wendy Hill, professeur de psychologie américaine très active dans l’édification de la philamatologie.

Autre avantage du baiser qu’on soupçonne moins : il permet de savoir si le partenaire est en bonne santé et si son hygiène est correcte. En 2002, une étude menée à Chicago a révélé que la majorité des femmes, auxquelles on soumettait des tee-shirts d’hommes, étaient naturellement attirées par l'odeur de ceux qui étaient manifestement en pleine forme. La conclusion tirée, est que la salive échangée lors d’un french kiss, au même titre que la sueur, fournit une base de données biochimiques, permettant à chacun d’extraire de manière inconsciente des informations importantes. Guy de Maupassant avait bien écrit : "Le baiser est la plus sûre façon de se taire en disant tout". Un siècle plus tard, la science lui donne raison.

Un anti-stress efficace

Un baiser échangé fait intervenir pas moins de vingt-neuf muscles, qui permettent de retarder l’affaissement du visage s’ils sont bien entretenus. Mieux encore, il peut faire baisser notre taux de cortisol, l’hormone du stress qui circule dans le sang. Embrasser quelqu’un produirait, selon la spécialiste américaine du Lafayette College, des effets significatifs sur la production d’hormones. Elle dope par exemple la libération de dopamine, connue pour ses effets euphorisants, ou encore celle de phényléthylamine (ou PEA). Cette amphétamine naturelle de l’amour et du bonheur est aussi présente dans le chocolat, et provoque des effets similaires à la pratique d’un sport extrême ou à la prise de certaines drogues.

Et ce n’est pas fini : un baiser favoriserait aussi l’augmentation du taux d’ocytocine, une substance fabriquée par l’hypothalamus qui agit notamment dans les relations de confiance. "L’ocytocine calme l’anxiété, le stress, provoque la détente, la récupération, l’assimilation… En favorisant la détente, elle se révèle un anxiolytique puissant qui stimule le système immunitaire, ralentit le cœur et met le corps en situation d’apaisement", détaille Lucy Vincent, docteure en neurosciences et auteure de Comment devient-on amoureux ? Sorte de potion magique pour la confiance, cette substance nous préserverait de certains désagréments comme les troubles cardio-vasculaires ou le désordre métabolique.

Un moyen de lutter contre le CMV

Ce n’est qu’en février 2014 que deux chercheurs anglais (1) ont révélé les bénéfices du baiser contre les risques liés à l’infection au cytomégalovirus (CMV). Les deux hommes se sont penchés sur cette étude, surpris par le fait que 90 % des cultures humaines s’embrassent sur la bouche, alors que cela expose chaque personne aux maladies de son partenaire. Ils se sont donc demandé s’il n’existerait pas, au final, un bénéfice significatif.

Leur réponse est aujourd’hui très claire: le baiser favorise la transmission du CMV, virus à l’origine d’infections qui passent inaperçues la plupart du temps, mais dont le caractère pathogène peut s’avérer grave chez les femmes enceintes ou chez les patients aux défenses immunitaires faibles.

Mais alors, quelle est son utilité ? Les spécialistes l’expliquent : "Le baiser profond permettrait à la femme de contrôler le moment où elle est infectée par le CMV particulier d’un homme, et ainsi de protéger sa future progéniture contre la menace d’une infection pendant la grossesse". S’embrasser avant de procréer diminuerait les risques de nuire à la santé du bébé. "À condition, toutefois, que la femme évite de se contaminer avec d’autres hommes entretemps… ", précisent-ils. Mais là, il s’agit d’un tout autre débat.

(1) Hendrie et Brewer, Kissing as an evolutionary adaptation to protect against Human Cytomegalovirus-like teratogenesis, Medical Hypotheses.

Marie France pour BFMTV